L’histoire du sel minéral et naturel de Salies-de-Béarn

Il était une fois,la source

 

Il y a bien longtemps, nichée au cœur de l’Adour, les hommes découvrirent une source d’eau aussi salée que celle de la Mer Morte et dix fois plus salée que l’eau de mer. La légende raconte qu’un sanglier blessé fut retrouvé au bord d’un petit étang. Il était blanc comme neige et ses poils couverts de cristaux de sel scintillaient de mille feux, au soleil…

L’histoire de la saline et du sel du bassin de l’Adour est intimement liée à la cité du sel

A Salies-de-Béarn, à l’occasion de la fête du sel qui se déroule tous les ans durant le 2ème week-end de septembre, on honore la découverte de ce précieux trésor.

Salies-de-Béarn devient béarnaise à la fin du 12ème siècle et la cité du sel s’agrandit autour de la fontaine salée prenant peu à peu sa forme caractéristique d’escargot. Tout est fait pour permettre, depuis la fontaine, de transporter le plus rapidement la précieuse eau salée jusqu’aux ateliers de façonnage. Bâties sur des marécages, les maisons sur pilotis sont construites au plus près du bassin à « ciel ouvert » et s’entassent progressivement dans les ruelles sinueuses et les passages étroits.

 

Le sel, symbole sacré dans les civilisations

« Amicitia pactum salis », l’amitié est un pacte de sel

Depuis sa découverte on vénère ses vertus transmises de génération en génération. Symbole du lien de fraternité et d’amitié, dans le monde entier on partage le sel comme le pain.
Croyances ou superstitions, le sel nourrit notre imaginaire et s’illustre dans les représentations des modes de vie des époques.

A Oloron-Sainte-Marie, capitale du Haut-Béarn, le magnifique portail sculpté de sa cathédrale du XIIème siècle, présente des scènes typiques du Béarn, représentations des petits métiers comme l’affinage du fromage, la pêche du saumon ou la pèlère du porc, la conservation et la salaison De nombreux usages rendus possibles grâce à l’utilisation du sel des Pyrénées de Salies-de-Béarn.

 

La conservation par le sel : un rôle majeur

Depuis la fin de la préhistoire, le sel est l’ingrédient le plus anciennement utilisé pour la conservation des aliments et aujourd’hui le sel constitue un élément indispensable à la sécurité sanitaire.

Le saloir jouait autrefois un rôle domestique comparable à celui du congélateur dans notre société. Le sel était utilisé pour fabriquer des conserves dans de grands saloirs en terre cuite comme les jambons gaulois, forts réputés qui voyageaient dans toute l’Europe. De nombreux aliments puisent leurs noms dans le mot sel : salaison, petit salé, saucisse, saucisson.
Le salage est une étape clé en fromagerie. Le sel joue un rôle d’agent de sapidité et de conservateur. Il absorbe naturellement l’humidité et assure la transition entre l’égouttage et l’affinage. Il est utilisé pour libérer le petit lait et permet ainsi de stabiliser la forme du fromage. Pour chaque fromage, on choisit une qualité de sel. Le sel de Salies-de-Béarn est principalement employé pour la fabrication des fameux fromages des Pyrénées.
Sel et salaison, l’union historique
Pour la technique de salaison à sec des fameux Jambons de Bayonne on utilise traditionnellement le sel de Salies-de-Béarn. Les jambons frais entiers sont frottés et recouverts d’une épaisse couche de sel avant d’être placés au saloir.
Pour privilégier la saveur du jambon, il est indispensable d’employer un sel pur, très riche en sels minéraux et oligo-éléments. Bactéricide, le sel gros de Salies-de-Béarn à une très grande capacité de pénétration qui permet pendant l’affinage d’obtenir une chair moelleuse, douce et naturellement rose.

Les Origines

La richesse d’une eau d’origine marine

Il y a 200 millions d’années, à l’époque où les dinosaures vivaient dans les lagunes et bien avant que l’homme n’apparaisse, commence la dislocation du supercontinent, la Pangée.

Durant la période du Trias, sous un climat torride, des lagunes marines peu profondes déposèrent comme un gigantesque marais salant, de riches couches de sel. Protégées par un somptueux manteau de terre glaise, elles seront préservées, durant des siècles de toute pollution.

A la fin du Crétacé et durant l’ère tertiaire, il y a de cela 65 millions d’années, la formation des montagnes Pyrénéennes provoquera de larges fractures dans les profondeurs souterraines. L’eau très riche en sel, se faufilera à travers ces failles pour remonter au plus près du sol. Cette immense nappe de sel gorgée d’eau dormira dans les profondeurs des Pyrénées, durant des siècles tout en conservant sa pureté originelle. Elle sera à l’origine des gisements de sel dans le bassin de l’Adour.

Dès le Néolithique, le sel participe à la sédentarisation des chasseurs nomades et acquiert une haute valeur pour sa rareté, son utilisation croissante et sa capacité à être stocké. Le sel sert à l’alimentation, à la conservation et comme monnaie dans de grands réseaux d’échanges qui se mettent en place.

Dès l’âge du Bronze vers 1500 av J.C, dans le bassin de l’Adour, les hommes s’installent au plus près de ce trésor, dans la cuvette marécageuse de Salies-de-Béarn. Réunis autour d’un Castéra sorte d’habitat naturel et collectif, les hommes creusent dans le sol des fours circulaires destinés à la cuisson des vases en terre qui permettent de chauffer l’eau salée. Après évaporation de l’eau, les vases tronconiques sont brisés pour recueillir les pains de sel.

Le sel des premiers Hommes

Le commerce du sel à l’époque gallo-romaine

Durant l’Antiquité, le commerce du sel se développe de plus en plus. Le sel est utilisé pour saler, fumer ou sécher les viandes et poissons, pour assaisonner les mets mais aussi pour fabriquer des conserves dans de grands saloirs en terre cuite qui voyagent dans toute l’Europe.

Les routes romaines construites en pierre seront longtemps les principales voies praticables en toutes saisons pour l’acheminement du sel.
A cette époque, Salies-de-Béarn, approvisionne déjà les populations Béarnaises, Basques et Gasconnes et exporte son sel en empruntant lou Cami salié , le chemin du sel en Béarnais, fragment d’un chemin préhistorique le long des Pyrénées et grande voie commerciale pratiquée d’Ouest en Est.

Le temps des révoltes et des révolutions

Entre le 14ème et le 17ème siècle, les besoins en sel explosent en raison de la forte augmentation de la population. Le pouvoir royal y voit une source de profit. Alors simple impôt sur le sel, la gabelle devient un monopole d’état. Injuste et inéquitable, l’impôt sur le sel intensifiera la contrebande et donnera naissance en France à un des plus grands mouvements de contrebande : Le faux-saunage. Abolie en 1790, la gabelle sur le sel, sera supprimée en 1946, après la seconde guerre mondiale.

Une organisation unique en France : La Corporation des Parts Prenants
A Salies-de-Béarn, l’Or Blanc attire de plus en plus la convoitise. L’accroissement de la population et l’augmentation des ayants droits provoquent nombres de conflits et d’inégalités. Dès le 16ème siècle, dans un souci de justice, les Salisiens fondent une organisation originale, la Corporation de Voisins ou Corporation des Parts-Prenants de la fontaine salée. Un règlement rédigé collectivement par les propriétaires de la fontaine, permet de mieux gérer la répartition de l’eau salée et de fixer des règles équitables mais strictes sur l’usage du sel.
Cette codification sera inscrite dans le document, le Livre noir dès 1587.

 

L’ère industrielle du sel

Au 19ème siècle, la révolution industrielle et le développement des transports vont transformer l’économie du sel dans les Pyrénées. La Loi sur le sel du 17 juin 1840 donne tous pouvoirs à l’Etat sur le contrôle des salines. C’est le coup de grâce porté à l’exploitation traditionnelle. C’est aussi le début de l’ère industrielle du sel et la création des salines à Salies-de-Béarn.

 

  • 1842 : Ouverture de la première saline qui allie extraction de sel et préparation des eaux-mères suivit en 1844 par celle d’Oraàs qui voit le jour avec 8 chaudières en tôle et quatre bassins de concentration.
  • 1857 : La Corporation obtient les autorisations médicales pour l’exploitation des eaux-mères. Un premier établissement thermal ouvre ses portes à Salies-de-Béarn. L’antique fontaine sera couverte en 1868 par une crypte.
  • 1886 : La production de sel atteint 1350 tonnes.
  • 1899 : Construction d’une deuxième et actuelle saline avec des poêles à sel de 20 m de long, alimentées par une chaudière à bois et une haute cheminée qui assure le tirage.
  • 1914 : faute de bois et de main d’œuvre la production s’arrête définitivement au lendemain de la grande guerre en 1918.
  • 1978 : la source d’Oraàs est exploitée par la saline. Une conduite de 9.6 kilomètres en matériaux inaltérables remplace celle d’origine et une pompe électrique renvoie l’eau salée depuis la source à la saline.
  • 1984 – 1992 : la haute cheminée est abattue. L’eau salée est chauffée par des thermoplongeurs et le sel est extrait à l’aide d’une pince manœuvrée par une grue télécommandée.
  • 2010 : la production de sel atteint plus de 2200 tonnes

La riche minéralisation des « eaux-mères » et la renommée de ses bienfaits attirent une riche clientèle de curistes. On y côtoie les grands d’Espagne et leurs suites, des hommes politiques en vue, des financiers, des écrivains et des artistes. C’est l’âge d’or du thermalisme et on construira même une piscine spéciale pour soulager et soigner les chevaux de courses.

 

L’épopée du thermalisme à Salies-de-Béarn : Une nouvelle architecture

Dès 1884, la fréquentation thermale et l’arrivée de la traction électrique intensifieront le développement du réseau de la Compagnie des Chemins de Fer du Midi. Une gare sera construite à Salies-de-Béarn et le transport ferroviaire permettra la commercialisation nationale et internationale du sel de Salies-de-Béarn. Jusque vers 1930, c’est le renouveau du sel grâce à l’engouement des stations thermales pyrénéennes.
L’architecture se transforme et une majorité des édifices de la cité du sel dateront de cette époque : l’Etablissement de bains, le Kiosque à musique, le Café du Cercle du Chalet et le Grand Hôtel du parc avec son atrium sous verrière inspiré de l’atrium de la « Rome impériale », ou du « Cortile de la Renaissance italienne ». L’influence de l’Orient déferle sur la construction de nombreux édifices de loisirs de ce 19ème siècle. Les établissements thermaux sont conquis par l’image éxotique allant du byzantin au mauresque, en hommage aux bains venus d’Orient.
Le Casino construit en 1930, à l’emplacement de la première saline est représentatif des édifices bâtis dès l’Exposition internationale des Arts décoratifs de 1925.

L’âge d’or du thermalisme par les eaux-mères